Nous vivons dans un monde qui comporte de plus en plus d’imprévus. Le statisticien Nassim Taleb a même évoqué la notion de « Puissance de l’imprévisible ». Effectivement, dans notre « société liquide », comme l’a si bien formulé le sociologue Zygmunt Bauman, les mutations sont incessantes.
Un des imprévus pour les entreprises est le cas de l’abandon de poste. Le nombre de salariés licenciés pour faute grave ou lourde suite à un abandon de poste au 1er semestre 2022 est évalué à 123 000, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Ce phénomène peut perturber gravement le fonctionnement d’une entreprise et avoir des conséquences dramatiques pour le salarié concerné.
Qu’est-ce qui qualifie un abandon de poste ? Comment un employeur doit-il réagir face à une telle situation ? Et quelles sont les implications pour le salarié qui se trouve dans cette position ?
En nous appuyant sur le droit du travail français, on vous explique tout pour comprendre les procédures, les effets et les nuances liées à cette question complexe et délicate. Suivez le guide !
Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?
Commençons par clarifier le concept d’abandon de poste. Parfois, un salarié peut disparaître du jour au lendemain, laissant son poste vacant sans donner d’explication à son employeur. C’est ce que l’on appelle communément un « abandon de poste ».
Pas de définition légale
L’abandon de poste, bien qu’assez courant, n’a pas de définition légale précise. C’est plutôt la jurisprudence qui s’est chargée de définir ce concept. Il est généralement défini comme une absence injustifiée, prolongée et répétée d’un salarié de son poste de travail sans autorisation préalable.
Que peut faire un employeur face à un salarié en abandon de poste ?
Dans ce cas, l’employeur a plusieurs options. L’abandon de poste ne signifie pas automatiquement une démission. Contrairement à une démission, l’employeur ne peut présumer qu’un salarié qui a abandonné son poste souhaite mettre fin au contrat de travail.
Procédure du licenciement pour abandon de poste
Une fois l’abandon de poste établi, il existe une procédure légale à suivre pour pouvoir licencier un salarié pour abandon de poste. C’est une procédure licenciement pour faute grave.
Mise en demeure du salarié
Lorsque l’employeur est confronté à un salarié qui s’est absenté sans raison valable de son poste de travail, la première étape de la procédure de licenciement pour abandon de poste est la mise en demeure du salarié. Dans le jargon juridique, la mise en demeure peut ressembler à un coup de semonce. Elle est un signal clair envoyé au salarié qui a abandonné son poste, signifiant que l’employeur a noté son absence et qu’il souhaite comprendre les raisons de cette disparition.
Dans cette démarche, l’employeur doit rédiger et envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au salarié. Cette lettre sert à exposer clairement le contexte et à demander au salarié de justifier son absence. C’est donc une occasion offerte au salarié de présenter ses raisons, que ce soit une maladie, un imprévu personnel ou autre. Cette mise en demeure est une étape cruciale, car elle marque le début officiel de la procédure et permet d’instaurer un dialogue entre l’employeur et le salarié.
Convocation, entretien préalable et licenciement
Si le salarié ne répond pas à la mise en demeure ou si l’employeur juge que les raisons fournies ne sont pas satisfaisantes, le processus de licenciement pour abandon de poste peut être initié. L’étape suivante est alors la convocation à un entretien préalable.
Cet entretien est une autre occasion pour le salarié de s’exprimer et de défendre son cas. Il peut être assisté, lors de cet entretien, par un conseiller du salarié ou un représentant du personnel. L’employeur, quant à lui, présentera le motif de licenciement.
Après cet entretien, si l’employeur reste convaincu que le licenciement est justifié, il peut alors notifier le licenciement au salarié. Cette notification doit se faire dans les formes, généralement par une lettre de licenciement envoyée en recommandé avec accusé de réception, mentionnant la faute grave commise par le salarié et la rupture du contrat de travail.
Conséquences de l’abandon de poste pour le salarié
Maintenant, penchons-nous sur les impacts de l’abandon de poste pour le salarié. Comme vous pouvez l’imaginer, elles sont généralement assez sévères.
Pas de salaire ni de chômage
L’un des premiers effets directs de l’abandon de poste concerne la rémunération du salarié. Évidemment, en choisissant de ne pas se présenter au travail sans justification valable, le salarié ne touchera pas de salaire pour les jours d’absence. Ce point peut sembler évident, mais il est important de le rappeler. Les jours non travaillés ne seront pas rémunérés, ce qui peut avoir un impact significatif sur les finances du salarié.
Mais l’impact financier de l’abandon de poste ne s’arrête pas là. Un licenciement pour abandon de poste est considéré par le droit du travail comme un licenciement pour faute grave. Cette qualification a des effets majeurs sur les droits du salarié après son licenciement. Notamment, le salarié ne peut prétendre à des indemnités de chômage suite à un licenciement pour faute grave.
Licenciement pour abandon de poste
Le licenciement pour abandon de poste a des effets qui dépassent le simple cadre financier. Il faut savoir qu’un tel licenciement laisse une marque indélébile sur le dossier professionnel du salarié. Une telle mention sur le curriculum vitae peut rendre la recherche d’un nouvel emploi particulièrement ardue.
Les futurs employeurs, lorsqu’ils consultent le dossier du candidat, pourraient voir le licenciement pour abandon de poste comme un manque de professionnalisme, de fiabilité ou d’engagement. Ce jugement pourrait alors peser dans la balance lors de la prise de décision pour un recrutement.
Licenciement pour abandon de poste : quels délais pour agir ?
La procédure de licenciement pour abandon de poste ne peut pas être initiée à la légère par l’employeur. Elle doit respecter certaines règles précises, notamment en matière de délais. Ces délais sont prévus par le Code du travail pour protéger le salarié et garantir une certaine équité dans la procédure de licenciement.
Premièrement, l’employeur doit envoyer une mise en demeure au salarié dans un délai raisonnable après le début de l’absence injustifiée. Le but de cette mise en demeure est de rappeler au salarié son obligation d’être présent au travail et de lui demander de justifier son absence. Si le salarié ne répond pas ou ne fournit pas de justification valable, l’employeur peut alors envisager le licenciement.
Mais, avant de renvoyer le salarié, l’employeur doit organiser un entretien préalable. C’est une étape clé de la procédure de licenciement, qui offre au salarié l’opportunité de s’expliquer. Après cet entretien, l’employeur ne peut pas notifier le licenciement immédiatement. Il doit respecter un délai de réflexion de deux jours ouvrables. Ce délai permet à l’employeur de peser les arguments du salarié avant de prendre une décision définitive.
Au-delà de ce délai, l’employeur a également une limite de temps pour agir. Si l’employeur attend trop longtemps avant d’agir, il peut être considéré comme ayant accepté tacitement l’abandon de poste.
Les motifs d’absence légitime et les cas spécifiques
Pour commencer, parlons des motifs d’absence légitime. Lorsqu’un salarié est malade ou victime d’un accident, il est dans l’incapacité de travailler. Dans ce cas, une absence, même prolongée, ne peut être considérée comme un abandon de poste. Il est alors nécessaire pour le salarié de fournir un justificatif, comme un certificat médical, pour prouver la légitimité de son absence. Il est important de souligner que l’employeur a le devoir de prendre en compte ces situations et ne peut renvoyer un salarié pour abandon de poste lorsqu’une absence est dûment justifiée.
Aussi, venons-en aux cas spécifiques. Certaines situations, bien que rares, peuvent justifier une absence sans préavis. Par exemple, si un salarié est victime de harcèlement ou de discrimination sur son lieu de travail, son absence peut être considérée comme légitime. Ces situations, gravement préjudiciables pour le salarié, sont strictement encadrées par la loi. Dans ce cas, le salarié peut faire valoir ses droits, et l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour résoudre la problématique. Si l’employeur ne prend pas les mesures appropriées, il peut être tenu responsable.
Il en va de même pour les situations où le salarié est victime de violences ou d’agressions sur son lieu de travail. Si l’employeur ne parvient pas à garantir la sécurité de ses salariés, ceux-ci peuvent être en droit de quitter leur poste sans risquer un licenciement pour abandon de poste.
Dans ces cas spécifiques, le salarié doit recueillir le maximum de preuves pour soutenir sa cause. Des documents tels que des courriels, des témoignages ou des enregistrements peuvent être d’une grande aide pour prouver le bien-fondé de l’absence.
Les éléments à retenir en cas d’abandon de poste
Comme vous avez pu le lire, l’abandon de poste est un événement qui doit être géré avec prudence et légalité. Particulièrement dans un monde marqué par l’imprévu. Le philosophe Allemand Hartmut Rosa parle même d’une société soumise à une triple accélération : technique, sociale et temporelle.
En tant que salarié, il est préférable de toujours informer votre employeur de toute absence prévue ou imprévue. En tant qu’employeur, il est essentiel de suivre la procédure appropriée pour gérer l’abandon de poste et potentiellement licencier un salarié. Il s’agit également d’éviter tout risque de licenciement abusif ou de tomber dans le piège du licenciement pour inaptitude. Finalement, le dialogue et la communication sont souvent les meilleurs moyens de prévenir et de résoudre ces situations. Ils permettent une discussion qui peut aboutir sur une rupture conventionnelle ou licenciement.
N’oubliez pas que le but de la gestion des ressources humaines est de réguler « les problèmes humains liés à l’organisation du travail », pour reprendre l’expression de la chercheuse Julienne Brabet (1993) est ses outils sont attribuables « en grande partie aux profonds changements économiques », comme l’a indiqué l’équipe de la chercheuse universitaire Silvana Pozzebon. Aussi, le droit du travail est là pour protéger les droits de chacun, salarié comme employeur. Faire preuve de respect mutuel et de compréhension peut faire toute la différence.
Gardez à l’esprit que la clé du succès dans toute relation professionnelle est le respect des règles et le respect mutuel. Et si vous vous retrouvez dans une situation délicate, n’hésitez pas à chercher de l’aide. Vous ne serez pas le premier, ni le dernier, à avoir besoin de conseils dans le domaine du droit du travail.